L'autre jour, j'ai lu un article dans Times Magazine sur la société Evernote, vous savez, cette boîte qui produit la petite application à l'éléphant sur fond vert? C'est futé, c'est un petit outil qui permet de prendre des notes, de les organiser, de les hiérarchiser, bref de todoiser sa vie et, comme l'affiche fièrement Evernote sur la page d'accueil de son site, de REMEMBER EVERYTHING.
Ca fait froid dans le dos, non? J'ai lu quelque part que l'oubli, comme l'ennui, sont nécessaires pour rester vivants. Je vais essayer d'entrer en contact avec le CEO d'Evernote, Phil, et lui demander de rebosser un peu sa philo, sa neuroscience, ou sa santé publique, au choix.
Cela dit, malgré la différence notoire de point de vue qui m'oppose à Phil, je m'intéresse à son travail. Phil parle du déluge de self-data qui nous tombe dessus à chaque minute et qu'on voudrait tant pouvoir conserver.
J'aime beaucoup cette idée de Self-data. Cette idée que notre vie (macro) ou que notre journée (micro), bref, que notre expérience est une gigantesque base de données et qu'il peut être judicieux de penser à un système de rétention, de filtrage et d'analyse qui nous permette d'en tirer de l'information, des enseignements.
J'aime beaucoup cette idée de Self-data. Cette idée que notre vie (macro) ou que notre journée (micro), bref, que notre expérience est une gigantesque base de données et qu'il peut être judicieux de penser à un système de rétention, de filtrage et d'analyse qui nous permette d'en tirer de l'information, des enseignements.
Sincèrement, quel parent n'a jamais regretté de ne pas avoir suffisamment noté de choses sur disons les phases (ahhhh les phases, c'est une phaaaase, ça n'est qu'une phaaase) de son premier enfant pour pouvoir réutiliser ces données lorsque c'est au tour du deuxième, puis du troisième et du quatrième d'avoir une phaaaase, et que vaguement, oui, on a l'impression d'avoir déjà vécu cela, mais qu'avait-on fait à l'époque, et puis c'était moins fort quand même, moins ch... , et puis non, on n'a JAMAIS eu ça, chéri, je te le promets, jamaisjamaisjamais, mais si enfin souviens-toi, ta gueule je te dis, on n'a jamais eu ça, j'en peux plus là, c'est pas normal, c'est pas normal...
Hein? si on avait le petit carnet qui va bien, les faits rien que les faits, la vérité nue sur l'aversion pour les carottes commencée à 24 mois et dépassée à 36, les ganglions à l'aine qui sont juste les ganglions à l'aine, la manie de s'accrocher à son zizi qui passe, mais oui, sans que personne n'ait appelé les services sociaux finalement, le vélo sans petites roues avec la séquence universelle yes! i am doing it - no! i vianded myself, je hais le vélo, je n'en ferai plus jamais - oui! j'adore le vélo, papa, maman, on va faire du vélooooo???, le fait de manger ses crottes de nez, les silences à la question "tu as passé une bonne journée ma chérie? ", suivis quelques mois après des quarts d'heure entiers de débrief sur la robe de la copine et le prof de musique et les trésors qu'on a trouvé dans la cour, les question sur la mort, sur Dieu, bon sang qu'est-ce qu'on avait dit à l'époque, faut qu'on soit consistants, les pleurs du soir, ça fait un mois là, un mois, ah non en fait ça fait 5 jours, ok....
Donc ça ça serait la self data orientée kid data. Pas inutile. Pensons-y.
La self data orientée self, ce serait plus des données du type: quand je suis fatiguée faire du sport me fait du bien (ce pour éviter de se morfondre devant Facebook ou de pleurer un peu ou d'avaler trois cafés inutilement); je n'ai jamais envie d'aller en soirée mais je rentre toujours contente (ce pour essayer de contourner l'énorme sentiment de flemme qui précède toute sortie du nid après 20h); quand la maison est dégueu je suis moi-même immonde (ce pour ne pas mettre trois ans avant de demander à la femme de ménage de venir toutes les semaines); quand on sort tous les deux ça fait vraiment du bien (ce pour se souvenir que deux fois par an c'est insuffisant); quand je me maquille le matin ça me donne un coup de boost (ce pour ne pas céder à la tentation de ne se laver les dents qu'au retour des drop offs passk'on est en retard là); aujourd'hui elle m'a roulé sur le pied avec la trottinette et je ne me suis pas énervée (ce pour pouvoir réitérer ce comportement adulte et responsable la prochaine fois que la trottinette vous broiera les métatarses); ce mois-ci j'ai vraiment pas mal bossé et je me sens bien et d'ailleurs je suis une bonne mère (ce pour renforcer la conscience du lien de cause à effet et ne pas céder au devoir d'aller faire les courses même si le frigo est vide alors qu'on a encore un article à lire) etc... etc... je pourrais continuer à l'envi...
On est loin de tout pouvoir conserver dans notre petit disque dur intérieur, avec ou sans Evernote, mais pourquoi diable y conserve-ton tant d'excréments de taureau, inutiles et nauséabonds, alors que notre life data, nos trésors d'expérience, tremplins vers la sagesse, passent eux par pertes et profits?
Mystère ...
***
PS: l'honnêteté sans faille qui est la mienne me pousse à préciser quelque petites choses:
-Je ne lis jamais Times Magazine. J'étais juste chez le coiffeur pour mes enfants, c'était soit Closer, soit Times Magazine, soit jouer aux dinosaures.
-Je n'ai pas fini l'article.
-En écrivant ce post je viens de comprendre pourquoi Evernote a choisi une tête d'éléphant comme logo. Pas mal, les pubards.
-Je n'utilise pas Evernote.
Ah oui, et pour les inscrits, mon dernier article, Miracles, n'a pas été envoyé par email, comprends pas... il est ici.
Ah oui, et pour les inscrits, mon dernier article, Miracles, n'a pas été envoyé par email, comprends pas... il est ici.
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