Ahlala, je savais bien qu'un jour cela arriverait à l'une d'entre nous, les mères françaises indignes de la baie.
Si je pousse un peu le bouchon, je peux même affirmer qu'on en rêvait toutes un peu...
Et c'est moi qui ai gagné!! la fierté m'étouffe.
Des regards noirs des mamans américaines à la vue des fesses de nos loulous pris d'une envie pressante dans un parc public (on sait vivre, on va derrière un arbre quand même - oui mais on aurait pu aller au restaurant trois blocs plus loin, non?!!), aux menaces d'appeler les services sociaux (social services) si on continue à aller payer son parcmètre situé à 5 mètres sans sortir toute sa progéniture de la voiture, en passant par cette anecdote dont j'ai été si jalouse mais que maintenant je bats à plat de couture: une amie grondant énergiquement sa fille en crise dans les vestiaires d'une piscine à San Francisco, et entendant une mère voisine articuler bien fort à sa petite "I don't think this is the way a mom should behave", on a toutes nos perles dont nous sommes plus ou moins fières, mais qui illustrent le gap parfois immense entre deux manières d'être avec nos enfants des deux côtés de l'Atlantique.
Certains Américains appellent la manière de faire française ("mange ta soupe", "attends je parle à une dame là", ou bien "mais relève-toi voyons tu ne t'es pas fait mal, si? ") le distance parenting. Danger...
D'autres, peut être plus nombreux, nous l'envient secrètement, comme le montre le succès récent du livre Raising up bébé, regard d'une mère américaine expat à Paris et constatant médusée que dans bon nombre de foyers bcbg de la capitale, on finit son café avant d'aller chercher le petit qui a fini sa sieste et le fait savoir.
Or doncques... Le 31 décembre dernier il nous a été offert de terminer notre parenting year en beauté.
En promenade sur l'île de Coronado, en face de San Diego, avec les grands-parents en visite, ne voilà-t-il pas que notre fils de presque 4 ans nous pique une petite crise, fatigue, caprice, qu'importe, il faut bien ventiler de temps à autre.
Etant sur le point de passer du remblai fort animé à la plage (même niveau, précisons) pour aller faire un château de sable, nous conservons le plan initial, garons la poussette avec l'enfant dedans, lui enjoignons de se calmer puis de nous rejoindre avec son sceau et sa pelle, et nous éloignons de, allez, 5 mètres?
Un groupe de trois personnes passe derrière la bruyante poussette et nous hèle: "Is this your child?" (notez que, vue la distance, c'était évident, et que la question fut bien celle-là et non le bien plus flippant "Whose child is this?").
"Yes, he is alive and well" fut ma réponse immédiate, celle que je sers régulièrement dans des situations similaires, au lieu de mordre, ce qui est pourtant mon premier mouvement.
Bien.
J'espère que vous suivez.
La crise s'arrête d'elle-même très vite et c'est donc tous réunis (sauf le grand-père parti chercher un café) que nous parcourons encore une dizaine de mètres vers l'eau et entreprenons de bâtir le château du siècle.
Je me retourne au bout de quelques minutes et constate terrifiée que mon beau-père, à 15 mètres de là, est entouré de deux flics encadrant la ruine vide qui nous sert de poussette, oh my God, mais qu'est-ce qu'il a fait avec son café???
Je me carapate et au fur et à mesure des mètres, je dois bien avouer que l'innocence (ignorance crasse même dans ce cas) de mon beau-père devient évidente et que c'est notre culpabilité qui devient écrasante.
"We have been called because apparently there was a crying baby abandoned in this stroller" me dit l'un des policiers. L'autre dicte les papiers d'identité du grand-père à son QG. C'est le moment de convoquer Jésus, le Dalai Lama et tout le toutim pour répondre le plus aimablement possible que non, je n'ai abandonné personne et que j'étais à 5 mètres et que mon fils faisait une petite crise et qu'on attendait que ça passe et qu'on est Français.
Très poli, le flic poursuit "Obviously, there is no child abandoned in this stroller".
C'est ça.
Non, il est là-bas, il construit les douves avec son père, là.
Juste avant leur départ, je m'assure d'une chose auprès des forces de l'ordre: le passant, là, le bellâtre, il a composé 911 ou je rêve?
Non, je ne rêve pas.
Allez, sur ce, bonne année, fous que vous êtes.